Cessons de réinventer..Inventons
Billet d’humeur
Encore plus que d’habitude (hélas le propre de l’Homme est de s’habituer) les politiques, les médecins, les journaux régionaux (la presse régionale quotidienne) abordent tous les jours la question des déserts médicaux (1).
Ce terme qui hérissait certains qui préféraient la très froide expression « régions sous dotées » finit finalement par être repris par tous, alors même que plus l’on en sait sur ce sujet et moins le terme de « désert médical » semble effectivement approprié.
Et pourtant. Il a le mérite d’être parlant. C’est même un cri.
Oui, la détresse est là avec son lot de propos acerbes sur les réseaux sociaux, ces derniers devenant de moins en moins charitables (2). Elle est bien réelle pour ceux qui ont du mal à trouver un médecin généraliste, pour les collectivités locales et les édiles qui voient leurs médecins prendre leur retraite sans espoir immédiat de retrouver quelqu’un présentant les mêmes qualités.
Ces qualités qui disparaissent avec une génération, celles d’écoute, de disponibilité, de suivi, de mémoire, de connaissance du dossier médical de la famille, des parents et parfois des grand ’parents ne se retrouveront plus.
Cette détresse se voit également depuis peu dans le témoignage de familles qui n’arrivent pas à trouver un médecin pour établir un certificat de décès de leur proche qui vient de les quitter.
Ainsi va l’évolution, ou le progrès.
Un autre aspect qui ressort aussi sur les réseaux sociaux, plus que les journaux, est l’agressivité vis-à-vis des personnes qui vivent dans ces zones sous-dotées. On voit surgir cette commisération vis-à-vis de ceux qui n’ont plus de médecins et qui osent se plaindre : « Pourquoi se sont-ils installés là ? » comme si cela était un choix délibéré pour de très nombreux ménages. Comme si certains du monde rural avaient eu tort de ne pas faire partie de l’exode rural des dernières décennies.
Parfois même cela tourne à l’insulte. Les nouveaux ploucs. Ceux qui sont dans un désert médical. De quoi se mêlent t’ils ? Quels droits ont-ils de contester l’évolution des choses. On pourrait même lire que ce sont des sous-citoyens. ceux-là même qui en viennent à manifester avec des gilets d’urgence routière !
Revient ainsi une nouvelle, une énième sous-catégorie de la population : ceux de la campagne, ceux des zones, ceux qui ne savent pas se débrouiller, ceux qui n’ont pas de relations, ceux qui …Ceux qui ne sont pas définitivement pas comme nous.
En finir avec le re
Plus que de réintroduire des médecins, redéployer des services, réinstaurer des aides et revenir à une situation antérieure, chimère à laquelle nous avons voulu croire aussi, il faut cesser d’utiliser le préfixe « re » même s’il est à la mode (Reconquête, Remontada, Rassemblement, Renouveau..jusqu’à Renaissance) (3). Il faut aller de l’avant et s’attacher activement à définir, inventer, innover des nouvelles voies de soins, de déploiement des services de santé aux français.
Nous nous (com)plaisons à être les champions de l’innovation. Certes l’innovation technologique n’est pas tellement discutable. Mais l’innovation humaine est un challenge bien plus grand que dans la technique.
Est-ce une coïncidence si beaucoup s’attachent à ajouter humaniste dans leurs propos liminaires, leurs présentations, leurs bio…comme pour mieux en souligner l’absence cruelle dans le quotidien.
Le quoi qu’il en coute (4) ne s’applique pas en santé où, avec toutes les incitations du monde, on ne pourra forcer des personnes à faire médecine (ce n’est pas encore le cas) à choisir médecine générale (cela est déjà le cas – Et encore, l’année supplémentaire prévue risque de rebuter les derniers volontaires) plutôt que les spécialités rémunératrices ou valorisantes socialement, à s’installer dans un lieu perdu (pour ceux qui n’y sont pas nés) dangereux (la montée de la violence envers les médecins est à prendre en considération), ou tout simplement différent de leurs vœux.
Le système de soins a opposé « ville » à « hôpital ». Ce faisant il a rayé « campagne » dans le plus grand des silences.
Le médecin de campagne est bien mort. Il aura survécu de quelques décennies à Balzac.
Le système de soins a opposé « ville » à « hôpital ». Ce faisant il a rayé « campagne » dans le plus grand des silences.
Alors puisque le retour en arrière semble impossible il s’agit de faire une grande concertation, de travailler avec l’ensemble des acteurs sans distinction ni ordre, et inventer et non réinventer, l’accès aux soins du XXIème siècle. Nous sommes déjà en retard.
Nous pourrions en profiter pour aborder la prévention d’emblée pour ne pas l’ajouter comme un cataplasme sur une jambe.
De l’ambition que diable !
Guillaume de Durat,
26 septembre 2022